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Le sort de la sentence arbitrale

Finances et Conseil Méditerranée, lors de son intervention à Tunis en 2014

Dans un article publié aux Cahiers de FCM (n° 3, mars 2015, pp. 38-44), Ahmed Ouerfelli parle des voies de recours à l’encontre de la sentence arbitrale, notamment de l’annulation, de l’exequatur, mais aussi de l’exception de l’article 484 du Code des Obligations et des Contrats (contestation de l’autorité de la chose jugée), à laquelle il réserve des développements détaillés afin de démontrer qu’il ne s’agit pas d’une voie de recours, mais plutôt d’une voie de « défense » ou de « méconnaissance ».

Ainsi, la sentence est soit annulée, exequaturée, ou encore ignorée.

Il conclut en écrivant:

1.   « Il ne sert à rien de proclamer des droits qui ne pourront jamais être concrétisés ». Telle fut la parole d’Omar Ibn Al-Khattab dans sa fameuse lettre à Abu Moussa Al-Achaari. Le régime de la phase post-sentence doit obéir à cet impératif. S’il ne l’assure pas de façon satisfaisante, il faut revoir la mécanique de façon à assurer le respect du droit à un accès effectif à la justice.

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Dans la mesure où l’article a été publié sans notes de bas de page, nous estimons qu’il est utile d’en publier ici la version intégrale:

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Tunis, Le 12 Novembre 2014

Le sort de la Sentence Arbitrale

 

Introduction

1.   L’après-sentence est un espace assez vaste, où les hypothèses se bousculent : acquiescement, exequatur, recours classique, recours en annulation, ou aussi exception de l’art. 484 du COC. De même, il ne faut pas oublier d’autres voies de recours dites extraordinaires : la tierce opposition et la requête civile. En fait, tout dépend de deux facteurs :

–         La capacité des arbitres à absorber la tension qui planait entre les parties et de bien formuler leur décision de manière à dissiper les doutes et ambigüités sur les points litigieux ;

–         L’attitude des parties, leur tendance à la chicanerie, à la résistance, à chercher les moyens et manières dilatoires…

2.   En effet, si l’acquiescement ne pose de problème que s’il est rétracté par la suite, c’est au niveau des autres points que se posent les problèmes les plus épineux. Le présent papier ne traite que ces trois dernières questions.

I. Les recours à l’encontre de la sentence arbitrale

3.   Il s’agit ici d’expliquer le concept de contrôle essentiellement formel, et de souligner par conséquent les nuances entre le recours en annulation et les autres recours classiques prévus dans le CPCC.

 

A.    Le concept de contrôle essentiellement formel

4.   Le concept de « contrôle essentiellement formel » a été développé progressivement par la Cour d’Appel de Tunis, qui a au départ employé la terminologie « contrôle formel » (arrêt n° 25 du 10 juin 1998) avant de se rattraper pour souligner le fait que le caractère formel est le caractère dominant ou essentiel de ce recours. Cette précision permet de prendre en compte le fait que le recours en annulation couvre, entre autres cas, celui de la violation de l’ordre public substantiel.

5.   En effet, ce cas d’annulation ouvre une brèche qui permet au juge de contrôler, exceptionnellement et dans des limites assez étroites, la conformité de la sentence arbitrale, donc de la solution au fond du litige, à l’ordre public, défini de façon assez schématique comme l’ensemble des règles impératives et dont le respect est indispensable pour la sauvegarde de l’ordre social.

6.   Le fait que le juge étatique soit habilité à contrôler le respect de l’ordre public signifie qu’il exerce un certain contrôle sur le fond du litige, ce qui revient à lui reconnaitre un pouvoir de réexaminer le fond du litige. Or, le droit de l’arbitrage a été construit sur l’idée de la non-révision au fond de la sentence arbitrale.

7.   Quoiqu’incontestable, le contrôle de l’ordre public constitue donc une ouverture sur le fond du litige, qui permet au juge étatique de vérifier certains aspects, y compris le respect au strict minimum des principes de l’équité, notamment lorsqu’il s’agit d’un arbitrage ex e quo et bono, de façon à annuler la sentence lorsqu’elle injuste de façon criarde et qui saute aux yeux (Appel Tunis, 4 mai 1999, aff. n°40).

B.    Nuances entre le recours en annulation et les autres recours

8.    Contrairement à l’appel, le recours en annulations soulève un sérieux problème de constitutionnalité. En effet, depuis l’édiction de la nouvelle Constitution au 27 janvier 2014, l’existence même de l’arbitrage comme technique juridique est devenue en ligne de mire des choix constitutionnels faisant d’un simple choix d’un modèle procédural un principe constitutionnel suprême. En effet, l’article 108 de la nouvelle Constitution dispose que « Toute personne a droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.

Les justiciables sont égaux devant la justice.

Le droit d’ester en justice et le droit à la défense sont garantis. La loi facilite l’accès à la justice et assure l’aide judiciaire aux plus démunis.

Elle garantit le droit au double degré de juridiction.

Les audiences devant les tribunaux sont publiques, sauf si la loi prévoit le huis-clos. Le jugement est impérativement prononcé en séance publique ».

9.   Le double degré de juridiction risque, s’il est appliqué de façon aveugle et sans pragmatisme, anéantir l’arbitrage.

10.Par contre, l’appel signifie la révision au fon du litige. Les pouvoirs du juge de second degré sont les mêmes que ceux du juge de premier ressort. C’est pourquoi, ni le CPCC, ni l’art. 39 du Code de l’Arbitrage ne prévoient les cas de recevabilité de l’appel. Le juge d’appel peut donc réexaminer les faits, les allégations, les moyens de preuve et apprécier de nouveau la pertinence et la suffisance des moyens de preuve et même procéder à de nouvelles mesures de recherche et d’établissement de la preuve, y compris le pouvoir d’auditionner de nouveaux témoins ou d’ordonner des nouvelles expertises ou aussi de demander des éclaircissements à un expert désigné en premier ressort.

11.Le choix du législateur tunisien au regard de l’appel est très clair : pas d’appel en arbitrage international, alors que l’appel est une voie de recours très exceptionnelle en arbitrage interne. La recevabilité de l’appel est tributaire de trois conditions : l’existence d’une clause explicite l’autorisant (le silence vaut absence d’appel), la nature de l’arbitrage (il faut qu’il soit interne. Le juge a nécessairement le pouvoir de vérifier la qualification de la qualification donnée par les arbitres à l’arbitrage et à la sentence. Appel Tunis, 19 oct. 1999, aff. n° 33), et le type de l’arbitrage (il faut qu’il s’agisse d’un arbitrage de droit. L’appel est exclu lorsqu’il s’agit d’arbitrage amiable composition).

12.Ainsi, l’appel est une voie de recours cantonnée. En pratique, il y a très peu de clauses qui prévoient le recours en appel. A notre sens, si appel il y a, nul besoin est d’aller à l’arbitrage, qui aurait dans cette hypothèse l’allure d’un gaspillage.

13.Il reste à s’interroger si dans un arbitrage institutionnel, il est possible d’instaurer un système de recours circulaire, c’est-à-dire un recours en appel devant une nouvelle instance d’arbitrage sous l’égide du même centre. L’hypothèse n’est pas à exclure, mais elle procèderait plutôt de l’absurde. Car, si la logique de l’appel devant une juridiction étatique est celle d’une garantie supplémentaire d’une meilleure qualité de jugement, assurée par des juges plus expérimentés, en arbitrage, aucun système ne garantit que les arbitres statuant en appel soient plus expérimentés, à moins que l’institution d’arbitrage ne s’organise de façon à tenir une liste d’arbitres peu expérimentés qui statuent en premier degré, et une autre liste d’arbitres qui soient habilités à statuer en appel. Ce système est très compliqué et peu pratique ; c’est pourquoi on ne risque pas de le trouver dans la réalité.

II. L’exequatur

14.Il s’agit de demander au juge étatique d’apposer son sceau sur la sentence afin de lui prêter la force exécutoire, rattachée aux jugements des tribunaux étatiques. L’exequatur est régi par un ensemble de règles particulières, notamment au niveau des procédures, des cas de refus d’exequatur et des pouvoirs du juge compétent.

A.    Le juge compétent

15.La procédure d’exequatur est brève, sommaire et marquée par l’allègement des règles du contradictoire et du double degré de juridiction. En matière d’arbitrage international, c’est la Cour d4appel de Tunis qui attribue l’exequatur. Après une première phase où il a été décidé que l’exequatur est une compétence présidentielle, et qu’il est donc accordé par le Premier Président de la Cour d’Appel de Tunis, depuis 1997, la Cour d’Appel de Tunis a estimé qu’il s’agit en fait d’une compétence collégiale, et que la procédure est contradictoire. Les arguments sont au nombre de deux : le Code de l’Arbitrage parle de « la Cour d’Appel » et non pas du Premier Président, et l’article 81 évoque deux types de cas dans lesquels l’exequatur est rejeté : un cas de rejet ex officio (violation de l’ordre public international) et une série de cas dans lesquels l’exequatur est refusé si la partie contre laquelle il est demandé établit l’un des vices listés dans le texte (nullité de la convention d’arbitrage, violation des principes fondamentaux de la procédure…). Or, afin de pouvoir établir ces irrégularités, la partie contre laquelle l’exécution est demandée doit comparaitre et jouir du droit de faire valoir ses arguments.

B.    Les pouvoirs du juge compétent

16.Le juge de l’exequatur n’a aucun pouvoir de révision ou de correction de la sentence. Il peut seulement lui octroyer l’exequatur ou le refuser. Il peut aussi accorder l’exequatur partiel au cas où la sentence est viciée sur certains aspects. Là, il faut noter que l’exequaturpartiel peut être décidé si la sentence s’est prononcée sur plusieurs demandes séparables, et à condition que le vice pour lequel l’exequatur a été refusé pour certaines branches ne s’étende pas aux autres.

III. La mise en cause de l’autorité de la chose jugée

17.Il ne s’agit pas d’une voie de recours. C’est la première idée force qu’il faudra souligner à cet effet. La règle est issue du COC (1906), qui n’est pas un Code de procédure, même s’il contient plusieurs règles procédurales([1]). Elle est insérée dans une section qui concerne les règles de la preuve, et particulièrement celles se rapportant aux présomptions. Cela permet de déduire qu’il s’agir d’une règle qui complète le système de preuve présomptive, selon lequel ce qui est décidé par le juge est présumé être conforme à la vérité. C’est le mythe de la vérité juridique, véritable mythe fondateur de l’Etat de Droit. Car, dans l’Etat de Droit, et même si personne ne peut prétendre détenir la vérité, en ce compris le juge, il n’en reste pas moins que la décision du juge, une fois les voies de recours épuisées, revêt le caractère d’une vérité absolue, alors que c’est une vérité terrestre, et non pas divine. C’est ce qui fait la suprématie de la décision du pouvoir judicaire sur toute autre opinion ou décision. C’est pourquoi, dans tout litige, même s’il concerne un autre pouvoir de l’Etat, le dernier mot revient de façon tranchante et irrévocable au juge, dont la parole s’impose à tous et doit être exécutée. Le jugement définitif bénéficie donc d’une présomption de conformité à la vérité, d’où il a cette autorité qui lui est singulière.

18.L’article 484 du COC dispose que « l’autorité de la chose jugée peut être infirmée :

1) par la preuve de la fausseté des titres et autres preuves sur lesquelles se fonde le jugement, lorsque ces titres ou ces preuves en ont été la cause unique ou principale ;

2) par la preuve de l’erreur matérielle sur laquelle se fonde le jugement, lorsque cette erreur en est la cause unique ou principale ;

3) par la preuve des faits pouvant donner lieu à la prise à partie du juge ».

19.A la lecture du texte, notamment dans sa version française, l’on se rend à l’évidence qu’il ne s’agit pas u tout d’infirmation du jugement. Il s’agit, plutôt, d’infirmer l’autorité de la chose jugée, rattachée à ce jugement.

A.    La différence entre les recours et l’exception de l’art. 484 du COC

20.Les voies de recours sont des procédures de contestation des jugements, ayant pour finalité de voir infirmer le jugement par une juridiction supérieure, ou, exceptionnellement, par la même juridiction dans le cadre des voies de rétractation. Par contre, dans le cas de l’art. 484 du COC, il ne s’agit pas de recourir à une juridiction supérieure, ni même à la même juridiction dans tous les cas. Il pourra s’agir, dans tant d’hypothèses, d’un « recours » ou plutôt d’un « réexamen » d’un même point litigieux par une juridiction inférieure. La signification du texte est que si un tribunal est saisi du même litige pour la deuxième fois, et si l’autorité de la chose jugée est invoquée par le bénéficiaire du premier jugement, l’autre partie peut invoquer l’art. 484 du COC afin de repousser cette objection. Au cas où le juge s’aperçoit que les conditions de cet article sont réunies, il infirmera l’autorité de la chose jugée. Etant donné qu’il s’agit d’une règle de preuve, et comme pour toute autre preuve, la teneur de cet article est que le juge écartera le moyen de preuve (la présomption de la vérité judiciaire) et agira comme si elle n’a jamais été soumise à son examen. Le résultat est que le juge saisi du même litige dans le cadre d’une nouvelle affaire peut au bout du compte ignorer un jugement existant et qui est rendu entre les mêmes parties dans le même litige.

21.Or, il a été jugé que si l’arbitre déclare disposer de la qualité ou de la qualification requise par la convention d’arbitrage, tel que dans le cas où il s’avère qu’il a usurpé le titre d’ingénieur alors qu’il n’a qu’un titre de technicien supérieur, la sentence arbitrale peut être annulée([2]). Mais, comme la partie succombante dans cette affaire a tenté d’obtenir l’annulation de la sentence par la voie ordinaire suite au rejet de sa demande puisqu’elle a été introduite hors délai de recours, elle a eu l’ingéniosité de demander « la révocation » de la sentence sur la base de l’article 484 du COC. Le Tribunal de Première Instance puis la Cour d’Appel de Tunis lui ont donné gain de cause. Mais, si cette solution a paru à certains auteurs comme évidente, nous croyons qu’elle procède d’une lecture boiteuse du texte, qui ignore sa logique, son esprit son emplacement, et son contexte général. C’est une lecture qui ne s’accommode pas avec le concept de l’interprétation systématique des lois.

B.    Le régime juridique de l’exception de l’art. 484 du COC

22.A la surprise de celui qui ne lit le texte qu’en arabe, sa version arabe est tout autre. Elle commence ainsi : « يجوز نقض الحكم الذي لا رجوع فيه », qui peut être traduite comme : « Le jugement irrévocable peut être infirmé… ». Ce texte a été à l’origine d’une polémique doctrinale, surtout que certains auteurs affirment que jusqu’en 1906, et vu l’absence de Code de procédure civile, c’est le COC qui a assuré cette fonction. Leur argument majeur est que ce code contient un grand nombre de règles de procédure([3]). De ce constat, ils ont postulé que l’article 484, qui emploie un terme de droit de procédure (naq’dh, c’est-à-dire infirmation), contient une règle de procédure similaire à celle de l’article 167 du CPCC, relatif à la voie de rétractation dite « requête civile ». Certains en ont déduit que, vu l’identité des cas de révocation des jugements dans le cadre de l’art. 484 COC et celles de l’art. 167 CPCC, et étant donné que le CPCC a été promulgué ultérieurement au COC, il échoit de considérer que l’art. 484 a été implicitement abrogé([4]). La Cour de Cassation tunisienne a réfuté cette thèse et considéré qu’il n’y a rien qui indique que le législateur ait décidé, dans le cadre du COC ou du CPCC, d’abroger ce texte, qui demeure alors en vigueur, d’où il est toujours loisible d’asseoir une action initiale sur la base de l’art. 484COC en vue d’annuler un jugement basé sur des preuves dont le faux a été établi([5]).

23. Un juge chercheur pointilleux a tout même trouvé « l’astuce » de l’article 484 du COC. Pour lui, trois constats au moins s’imposent : d’abord que les rédacteurs du CPCC, qui n’ignoraient pas l’existence de cet article, ont choisi de le maintenir, ce qui manifeste un choix législatif et non pas une inadvertance. Ensuite, l’article 484 se situe dans un chapitre relatif à la preuve, et spécialement à une section relative aux présomptions légales. En troisième lieu, la version française du texte, emploie une expression évocatrice : il parle de l’infirmation de l’autorité de la chose jugée et non pas de l’infirmation du jugement qui la consacre. Il s’agit alors d’une règle de preuve et non pas d’une règle de procédure([6]). Il s’agit simplement d’une voie d’infirmation ou d’éviction d’un moyen de preuve. Le jugement est écarté en tant que moyen de preuve, et non pas infirmé dans le cadre d’une voie de recours déterminée. Il ne peut plus avoir l’aura de la « vérité judicaire », reconnue à tout jugement.

24.Sur le plan de la procédure, la disposition de l’article 484 est mise en œuvre lorsque la partie concernée introduit une nouvelle demande en justice. Naturellement, le bénéficiaire du premier jugement invoquera l’exception de l’autorité de la chose jugée. Au cas où le demandeur réussit à établir l’un des cas de l’article 484 du COC, le tribunal étatique ou arbitral (selon le cas) écartera le précédent jugement en tant que moyen de preuve et procèdera, alors à l’examen de l’affaire comme si ce jugement n’a jamais existé. Ainsi, il ne prononcera jamais l’infirmation du précédent jugement, car il n’est pas compétent pour y procéder, surtout lorsque ce jugement émane d’une juridiction supérieure. Au lieu d’infirmer le jugement, l’on a besoin d’infirmer uniquement la présomption de la « vérité judiciaire » consacrée par l’article 481 du COC.

25.De ce fait, l’exception de l’article 484 du COC peut être soulevée par n’importe quelle partie dans le cadre de n’importe quelle affaire, devant n’importe quelle juridiction. Le fait que le premier jugement sur le litige ait été rendu par une juridiction supérieure ne change rien à la donne. En effet, le premier jugement peut avoir été soumis à un TPI, alors que le nouveau est présenté au juge cantonal ou prud’homal. Cela importe peu. Le nouveau juge s’assure qu’il s’agit bien du même litige, qu’il a le même objet et que les parties sont les mêmes. Dans cette hypothèse, il vérifie si le premier jugement est entaché de l’un des vices de l’article 484, auquel cas il déclare qu’il ne prendra pas en compte ce jugement et se prononcera sur le fond du litige, abstraction faite de l’objection de la res judicata.

26.Entre les parties, le premier jugement, en tant qu’acte de procédure, demeure existant et inchangé, mais ses effets seront anéantis. Le nouveau jugement se prononcera sur le même litige de nouveau, sur la base des nouvelles preuves qui sont soumises au juge, nonobstant le contenu et la solution du premier jugement.

27. L’objection de l’art. 484 est, procéduralement, une arme défensive, utilisée par la partie qui choisit de s’attaquer de façon indirecte à un jugement comportant des erreurs matérielles impardonnables et criardes, au point que la qualité de « jugement » devient légitimement contestable. Substantiellement, c’est une arme offensive ou plutôt provocatrice, qui aboutit de facto à la mise en cause, de façon indirecte, du jugement antérieur lui-même.

28.Il s’agit, bien évidemment, d’une hypothèse assez extrême, qu’il faut manipuler avec des pincettes, car elle permet en fait à un juge cantonal de jeter aux oubliettes un arrêt de la Cour de Cassation. Et ça ne peut être qu’exceptionnel, très exceptionnel.

Conclusion

29.« Il ne sert à rien de proclamer des droits qui ne pourront jamais être concrétisés ». Telle fut la parole d’Omar Ibn Al-Khattab dans sa fameuse lettre à Abu Moussa Al-Achaari. Le régime de la phase post-sentence doit obéir à cet impératif. S’il ne l’assure pas de façon satisfaisante, il faut revoir la mécanique de façon à assurer le respect du droit à un accès effectif à la justice.

([1]) Cf., Ahmed Adhoum : « Le COC, un Code de procédure ? », in Le livre du Centenaire du Code des Obligations et des Contrats 1906-2006, éd. CPU, 2007, p. 517.

([2]) Tribunal de Première Instance de Tunis, 25 déc. 2004, aff. n° 4355, inédit, confirmé par Appel Tunis, 17 mai 2005, aff. n° 24315, inédit, cités par Noureddine Gara in « Droit de l’Arbitrage. Introduction générale. L’arbitrage interne » (ar.), éd. CPU, Tunis 2002, p. 202.

([3]) Ahmed Adhoum : « Le COC, un code de procédure ? » (مجلة الالتزامات والعقود: مجلة إجرائية؟), in Le livre du Centenaire du Code des Obligations et des Contrats 1906-2006, éd. CPU, 2007, p. 517.

([4]) Cf., Mustapha Sakhri : « La révocation des jugements irrévocables (une lecture de l’article 484 du COC », in Cinquante ans de jurisprudence civile 1959-2009, éd. CPU, Tunis 2010, p. 1229 et ss. M. Hamadi Arrayed voit quant à lui que ce texte est devenu « inutile » depuis la promulgation du CPCC. Voir son mémoire de DEA, « L’effet de la chose jugée en matière civile » (إتصال القضاء في المادة المدنية), Fac. de Droit et de Sc. Polit. de Tunis, 1991, p. 117.

([5]) Cass. civ., 18 oct. 2005, aff. n° 5031, inédit, cité par A. Adhoum dans son article précité. L’auteur de cet article, quant à lui, ne doute pas que cet article est procédural.

([6]) Jamel Ben Jem’aa note sous Tribunal Première Instance de l’Ariana n° 10275 du 28 oct. 2002, Revue de la Jurisprudence et de la Législation, fév. 2005, p. 221.

Me. Ahmed OUERFELLI

Avocat près la Cour de Cassation et arbitre international

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