Le « petit droit constitutionnel »​ à l’épreuve de la nouvelle Constitution de 2014
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Le sell out en droit tunisien des sociétés commerciales

Le sell out en droit tunisien des sociétés commerciales

Comme l’indique son appellation, le sell out est une technique juridique d’origine anglo-saxonne. Avec celle de squeeze out, ils constituent deux techniques de sortie qui tendent à éviter des conflits entre la majorité et la minorité des associés qui commencent à apparaitre en raison d’une difficile cohabitation entre une majorité détendant une très grande fraction du capital social, de façon à pouvoir déterminer toutes les décisions sociales, et une minorité détenant une part assez faible de ce capital de façon à ne pas pouvoir changer la réalité des choses. Dans ces circonstances, les droits modernes donnent le droit à l’une des deux parties de mettre fin à cette situation. Le sell out permet à la minorité d’obliger la majorité de racheter la fraction du capital qu’elle détient à un prix déterminé par un tiers neutre, alors que le squeeze out permet à la majorité détenant la même fraction de capital de se débarrasser d’une minorité qui sème la zizanie dans les mêmes conditions.

Le sell out existe déjà dans la loi boursière. Ainsi l’article 7 (nouveau) de la loi n° 94-114 du 17 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier, tel que reformulé par la loi n°2005-96 du 18 octobre 2005, art.16, dispose :

« Lorsqu’une personne, agissant seule ou de concert et par n’importe quel moyen, vient à détenir un nombre de titres de nature à lui conférer une part de droit de vote, supérieure à une proportion fixée par décret2 , dans une société faisant appel public à l’épargne, le conseil du marché financier peut l’ordonner soit de procéder à une offre d’achat portant sur le reste des actions qu’il ne détient pas sous forme d’une offre publique d’achat ou sous forme de procédure de maintien de prix fixé à condition que le prix dans les deux cas ne soit pas inférieur au minimum prévu par le règlement général de la bourse. Les dispositions de l’article 40 de la présente loi s’appliquent à celui qui ne se soumet pas à la décision du conseil du marché financier et les valeurs mobilières ainsi acquises sont privées du droit de vote par décision du conseil du marché financier prise après audition de l’intéressé ».


En 2009, lorsque l’amendement du 16 mars 2009 était en cours de préparation, l’idée d’instaurer les deux techniques en droit commun a été débattue. Au final, elle n’a été retenue que pour le sell out, dans le cadre des sociétés anonymes seulement. Dans les sociétés de personnes, tout comme les SARL, elle heurte le principe de l’intuitu personae.

Ainsi, l’article 290 ter du Code des Sociétés Commerciales (ajouté par la loi n° 2009-16 du 16 mars 2009) dispose :

« Le ou les actionnaires détenant une fraction ne dépassant pas 5% du capital de la société ne faisant pas appel public à l’épargne peuvent proposer de se retirer de la société et imposer à l’actionnaire détenant le reste du capital social individuellement ou par concert, l’achat de leurs parts à un prix fixé par une expertise ordonnée par le président du tribunal dans le ressort duquel se trouve le siège de la société. En cas de désaccord de l’actionnaire détenant le reste du capital social individuellement ou par concert sur le prix proposé dans le délai d’un mois à compter de la notification du rapport d’expertise, le prix est fixé par le tribunal compétent qui détermine la valeur des actions et en ordonne le payement.
Les dispositions ci-dessus ne s’appliquent pas aux sociétés faisant appel public à l’épargne, qui demeurent soumises à la législation en vigueur
 ».


Par contre, le squeeze out a été analysé comme étant une sorte d’expropriation pour cause d’utilité privée et a donc été écarté vu qu’il est anticonstitutionnel. Il est à noter que la problématique de la constitutionnalité a été l’origine d’un vif débat en Europe et explique le défaut de généralisation de cette technique dans les pays européens. Le sell out lui-même pose le même problème, mais l’avis majoritaire penche vers l’admission de sa constitutionnalité.

Il est surtout à noter que contrairement au droit boursier, où le sell out ne peut avoir lieu que suite à un changement de la structure du capital social, le Code des Sociétés Commerciales ne prévoit pas une telle exigence. Ainsi, l’option de sell outpeut être exercée même lorsque la structure du capital est stagnante. Le législateur considère que ce statu quo peut lui même être ou devenir une source de frustration pour les minoritaires, justifiant la volonté de quitter la barque.

Par ailleurs, l’obligation d’acheter s’applique à un actionnaire qui déteint seul la fraction de 95% du capital et aussi à un groupe d’actionnaires qui agissent de concert. L’action de concert doit être établie par le demandeur, et n’est point présumée. Elle est établie par la réunion d’un ensemble de faisceaux d’indices établissant qu’il s’agit d’un groupe homogène aux intérêts uniques ou convergents.

Ahmed Ouerfelli

Avocat – arbitre

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