Célérité, flexibilité et efficacité, atouts majeurs de l’arbitrage sportif
Exemple du règlement particulier du TAS pour l’Euro 2016
Le TAS a établi un règlement spécial pour la phase finale de l’Euro 2016, en en vertu duquel les litiges liés au déroulement de la phase final de l’Euro 2016 seront réglés par voie d’arbitrage devant une chambre spécialisée du TAS, par des arbitres constituant une liste particulière pour l’évènement. Des délais abrégés sont prévus, en vue de ne pas laisser traîner les litiges, qui devraient être réglés en l’espace de 48 heures, sinon moins. La célérité de l’arbitrage doit être au niveau de la célérité de la compétition elle-même.
Il faudra noter aussi que le Règlement établit une articulation entre l’arbitrage particulier de la phase finale de l’Euro 2016 et l’arbitrage sportif ordinaire et ce, lorsque’il s’agit que le litige n’est pas tout à fait rattaché à l’évènement et qu’il s’agit d’un arbitrage « ordinaire ».
Par ailleurs, des organes particuliers ont été mis en place: un Président, un secrétariat et une chambre ad hoc où siègent selon les règles usuelles des arbitres inscrits dans une liste d’arbitres, choisis parmi les arbitres inscrits sur la liste du TAS. Il n’est pas requis qu’ils soient tous tunisiens, mais il s’agit d’une condition prévisible. Cela n’empêche que nous souhaitions que nos arbitres tunisiens, à l’instar de M. le juge Chedly Rahmani, soient présélectionnés et désignés dans certains litiges.
Cet arbitrage demeure régi par les règles du droit suisse, droit du siège de l’arbitrage, pris dans son acception juridique et non pas dans son acception physique, qui prévoit la possibilité pour les parties non domiciliées en Suisse de renoncer à tout recours à l’encontre de la sentence arbitrale, y compris le recours en annulation. Il échoit de rappeler ici que l’article 78(6) du Code tunisien de l’Arbitrage prévoit une règle similaire.
Nous publions ci-après le Règlement particulier, avec soulignement des passages qui mettent en valeur les trois atouts de cet arbitrage particulier: célérité, flexibilité (arrangements sur mesure) et efficacité.
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REGLEMENT D’ARBITRAGE POUR LA PHASE FINALE DE l’UEFA EURO 2016
Art. Premier Application du présent règlement et compétence du Tribunal Arbitral du Sport (TAS)
Le présent règlement a pour but d’assurer, dans l’intérêt des athlètes et du sport, la résolution par la voie de l’arbitrage des litiges couverts par les articles 61 et 62 des Statuts de l’UEFA, dans la mesure où ils surviennent lors de la phase finale du Championnat d’Europe de football de l’UEFA 2016 (« la phase finale de l’EURO 2016 »).
Article 2 Chambre ad hoc
Pour la durée de la phase finale de l’EURO 2016, le Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (CIAS) établit une Chambre ad hoc du TAS (ci-après la “Chambre ad hoc”) ayant pour mission de procurer la solution arbitrale des différends visés à l’article premier par l’intermédiaire de Formations mises en œuvre conformément au présent règlement. La Chambre ad hoc comprend des arbitres figurant sur une liste spéciale, un(e) Président(e) et un Greffe.
Article 3 Liste spéciale d’arbitres
Le CIAS, agissant par l’intermédiaire de son Bureau, établit la liste spéciale d’arbitres prévue à l’article 2.
Cette liste spéciale comprend uniquement des arbitres qui figurent sur la liste générale des arbitres du TAS.
La liste spéciale d’arbitres est publiée avant l’ouverture de la phase finale de l’EURO 2016. Elle peut être modifiée ultérieurement par le Bureau du CIAS.
Article 4 Présidence
Le Bureau du CIAS élit le/la Président(e) de la Chambre ad hoc parmi les membres du CIAS.
Le/la Président(e) assume les fonctions qui lui sont dévolues par le présent règlement et toutes autres utiles au bon fonctionnement de la Chambre ad hoc.
Le/la Président(e) de la Chambre ad hoc doit être indépendant(e) des parties.
Article 5 Greffe
Le Greffe du TAS est établi à Lausanne, Suisse. Ce greffe est placé sous la responsabilité du Secrétaire général du TAS.
Article 6 Langue de l’arbitrage
La langue de l’arbitrage est l’anglais ou le français, conformément à la décision du/de la Président(e) de la Chambre ad hoc.
Article 7 Siège de l’arbitrage et droit régissant l’arbitrage
Le siège de la Chambre ad hoc et de chaque Formation est fixé à Lausanne, Suisse. Toutefois, la Chambre ad hoc et chaque Formation peuvent accomplir tous les actes relevant de leur mission en tout autre lieu qu’elles jugent approprié. L’arbitrage est régi par le chapitre 12 de la Loi suisse sur le droit international privé.
Article 8 Représentation et assistance
Les parties peuvent se faire représenter ou assister par les personnes de leur choix dans la mesure où les circonstances le permettent, notamment au regard du délai fixé pour la sentence. Les noms, adresses, numéros de téléphone et de télécopie et autres moyens écrits de communication électronique des personnes représentant les parties figurent dans la demande mentionnée à l’article 10 ou sont communiqués en début d’audience.
Article 9 Notifications et communications
– au demandeur : par remise à l’adresse figurant dans la demande ou à l’adresse électronique indiquée dans la demande, ou à défaut d’indication dans la demande, par dépôt au Greffe ;
– au défendeur : par remise ou courrier électronique adressé à son bureau ou lieu de séjour pendant la phase finale de l’EURO 2016.
La Chambre ad hoc peut également effectuer des communications et notifications par téléphone, confirmées ultérieurement par écrit ou par courrier électronique. En cas d’omission de confirmation écrite, la communication est néanmoins valable si son destinataire en a effectivement eu connaissance.
Article 10 Demande
Toute personne physique ou morale qui entend saisir la Chambre ad hoc du TAS d’un litige au sens de l’article premier du présent règlement, soumet une demande écrite au Greffe par dépôt ou par télécopie. La demande doit comprendre :
– une copie de la décision contestée, le cas échéant ;
– une brève description des faits et des moyens de droit fondant la demande ;
– les prétentions du demandeur ;
– le cas échéant, une requête tendant à l’octroi de l’effet suspensif ou de toute autre mesure provisionnelle revêtant une extrême urgence ;
– toutes explications utiles sur le fondement de la compétence du TAS ;
– l’adresse du demandeur et, le cas échéant, les numéros de télécopie et l’adresse électronique auxquels le demandeur peut être atteint pour les besoins de la procédure ainsi que, le cas échéant, les mêmes indications pour la personne représentant le demandeur.
La demande doit être rédigée en anglais ou en français.
Pour autant que les Fédérations Nationales concernées ne sont pas parties à la procédure et ne reçoivent pas un exemplaire de la demande en cette qualité, celle-ci leur est communiquée à titre d’information.
Article 11 Délai pour le dépôt de la demande
La demande doit être soumise au Greffe par dépôt ou par courrier électronique dans le délai prévu à l’art. 62 des Statuts de l’UEFA et pour autant que toutes les voies de droit internes à l’UEFA aient été préalablement épuisées.
5 Article 12 Constitution de la Formation
Dès le dépôt de la demande, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc constitue une Formation composée de trois arbitres figurant sur la liste spéciale au sens de l’article 2 ci-dessus (la “Formation”) et en désigne le/la Président(e).
Si cela paraît approprié selon les circonstances, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc peut, en vertu de sa seule appréciation, nommer un arbitre unique.
Si une demande d’arbitrage est enregistrée et qu’elle est connexe à un arbitrage pendant devant la Chambre ad hoc, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc peut attribuer le second litige à la Formation nommée pour trancher le premier litige.
Pour décider d’une telle attribution, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc prendra en considération toutes les circonstances, y compris la connexité entre les deux affaires et l’avancement de la procédure dans la première affaire.
Le Greffe communique la demande à la Formation.
Article 13 Indépendance et qualifications des arbitres
Tout arbitre doit avoir une formation juridique et avoir une compétence reconnue en matière de sport. Il doit être indépendant des parties et a l’obligation de révéler immédiatement toute circonstance susceptible de compromettre son indépendance.
Tout arbitre doit être à la disposition de la Chambre ad hoc pendant la durée de la phase finale de l’EURO 2016. Les mêmes obligations s’appliquent au/à la Président(e) de la Chambre ad hoc.
Un arbitre de la Chambre ad hoc du TAS ne peut agir en qualité de conseil pour une partie ou tout autre tiers intéressé devant cette chambre.
Article 14 Récusation et révocation des arbitres
Un arbitre doit se récuser spontanément ou, à défaut, peut être récusé par une partie si les circonstances permettent de douter légitimement de son indépendance.
Le/la Président(e) de la Chambre ad hoc est compétent(e) pour connaître de toute demande de récusation présentée par une partie.
Il/elle tranche sans délai après avoir donné l’occasion aux parties et à l’arbitre concerné 6 de s’exprimer, dans la mesure où les circonstances le permettent.
La récusation doit être requise dès connaissance du motif de récusation.
Tout arbitre peut être révoqué(e) par le/la Président(e) de la Chambre ad hoc s’il/elle est empêché(e) d’accomplir sa mission ou s’il/elle n’exerce pas ses fonctions conformément au présent règlement.
En cas de récusation spontanée ou si le/la Président(e) de la Chambre ad hoc admet la récusation requise par une partie ou procède à la révocation d’un arbitre, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc désigne sans délai un arbitre remplaçant l’arbitre récusé ou révoqué.
Article 15 Effet suspensif ou mesures provisionnelles d’extrême urgence
En cas d’extrême urgence, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc ou la Formation, si elle est déjà constituée, peut statuer sur une demande tendant à la suspension des effets de la décision contestée ou à l’obtention de toute autre mesure provisionnelle sans audition préalable du défendeur.
La décision octroyant de telles mesures cesse de déployer ses effets au plus tard lorsque la Formation rend une décision au sens de l’article 21 du présent règlement.
Pour décider de l’octroi de mesures provisionnelles, le/la Président(e) de la Chambre ad hoc ou la Formation prend en considération le risque de dommage irréparable qu’encourt le demandeur, les chances de succès de la demande au fond et l’importance des intérêts du demandeur par comparaison à ceux du défendeur ou à d’autres participants à la phase finale de l’EURO 2016.
Article 16 Procédure devant la Formation
Toute exception d’incompétence de la Formation doit être soulevée d’entrée de cause et, au plus tard, au début de l’audience.
La Formation organise la procédure selon les modalités qu’elle estime appropriées en tenant compte des besoins et des circonstances spécifiques de la cause, des intérêts des parties, en particulier de leur droit d’être entendu, ainsi que des impératifs particuliers de rapidité et d’efficacité propres à la 7 présente procédure ad hoc.
La Formation a le contrôle de la procédure probatoire.
Sauf si elle considère un autre mode de procéder plus approprié, la Formation, dès réception de la demande, convoque les parties à une audience à très brève échéance.Elle joint copie de la demande à la convocation adressée au défendeur.
A l’audience, la Formation entend les parties et procède aux mesures d’instruction utiles.
Les parties produisent à l’audience toutes les preuves dont elles entendent faire état et amènent les témoins qui sont entendus sur le champ.
Si elle s’estime suffisamment informée, la Formation peut ne pas tenir d’audience et rendre une sentence immédiatement.
Si une partie requiert une mesure probatoire supplémentaire, que légitimement elle n’était pas en état de produire à l’audience, la Formation peut l’ordonner dans la mesure nécessaire à la résolution du litige.
La Formation peut, à tout moment, procéder à toute mesure d’instruction utile. Elle peut en particulier nommer un expert et ordonner la production de documents, informations ou autres preuves. Elle a également le pouvoir discrétionnaire d’admettre ou d’exclure toute offre de preuve des parties et d’apprécier librement les preuves.
La Formation informe les parties en conséquence.
Si l’une partie ne se présente pas à l’audience ou ne donne pas suite aux injonctions, convocations ou autres communications de la Formation, celle-ci peut néanmoins procéder.
Article 17 Pouvoir d’examen de la Formation
La Formation revoit les faits fondant la demande avec plein pouvoir d’examen.
Article 18 Droit applicable
La Formation statue en vertu des règlements UEFA applicables et, à titre supplétif, en vertu du droit suisse.
Article 19 Délai dans lequel une décision est rendue
La Formation rend une décision dans un délai de 48 heures à compter du dépôt de la demande.
A titre exceptionnel, ce délai peut être prolongé par le/la Président(e) de la Chambre ad hoc si les circonstances l’exigent.
Article 20 Prise de décision, forme et communication de la décision
Les décisions sont prises à la majorité ou, à défaut, par le/la Président(e) de la Formation.
Elle est écrite, datée et signée par le/la Président(e) de la Formation et, en principe, sommairement motivée.
Avant la signature, la sentence est revue par le/la Président(e) de la Chambre ad hoc qui peut procéder à des modifications de forme et, sans pour autant porter atteinte à la liberté de décision de la Formation, attirer l’attention de celle-ci sur des questions de fond.
Elle est communiquée aux parties sans délai.
La Formation peut communiquer le dispositif avant la motivation.
La sentence est exécutoire dès le prononcé du dispositif.
Pour autant que les Fédérations Nationales concernées ne sont pas parties à la procédure et ne reçoivent pas un exemplaire de la sentence en cette qualité, celle-ci leur est communiquée à titre d’information.
Article 21 Contenu et portée de la décision
En tenant compte de l’ensemble des circonstances de la cause, y inclus les prétentions du demandeur, la nature et la complexité du litige, l’urgence d’une résolution, l’importance des mesures d’instruction nécessaires et des questions de droit à trancher, le droit des parties d’être entendues et l’état du dossier à l’issue de la procédure ad hoc, la Formation peut soit rendre une sentence finale, soit renvoyer le litige à l’arbitrage du TAS, selon le Code de l’arbitrage en matière de sport.
La Formation peut aussi rendre une sentence au fond sur partie du litige et renvoyer la partie non résolue du litige à la procédure habituelle du TAS.
Si elle renvoie le litige à la procédure habituelle du TAS, la Formation peut, même en l’absence de requête des parties à cet effet, prononcer des mesures provisionnelles qui déploient leurs effets jusqu’à décision contraire des arbitres dans la procédure habituelle du TAS.
Si la Formation renvoie le litige à la procédure habituelle du TAS, les dispositions suivantes s’appliquent :
Dans les deux cas, les délais fixés par les statuts ou règlements de l’organisme dont la décision est contestée ou par l’article R49 du Code de l’arbitrage en matière de sport ne s’appliquent pas.
iii) La Formation constituée pendant la phase finale de l’EURO 2016 reste saisie du litige pour les besoins de la procédure habituelle du TAS et, par la soumission au présent règlement, les parties renoncent à invoquer toute disposition contraire du Code de l’arbitrage en matière de sport ou de leur convention concernant le nombre d’arbitres et le mode de constitution de la Formation.
Article 22 Caractère exécutoire; absence de voies de recours
La décision est immédiatement exécutoire.
Elle tranche définitivement le litige, sous réserve de recours selon les circonstances, conformément au 10 droit suisse, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision originale. Elle n’est susceptible d’aucun recours dans la mesure où les parties n’ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse et ont expressément renoncé au recours dans la convention d’arbitrage ou dans un accord écrit conclu ultérieurement, notamment en début de procédure.
Article 23 Frais de la procédure
(a) Sous réserve du paragraphe f) ci-dessous, les parties doivent s’acquitter de leurs propres frais, y inclus frais et honoraires d’avocats, d’experts, de témoins et d’interprètes.
(b) Si la Formation nomme un expert ou un interprète, ou ordonne l’audition d’un témoin ou d’un expert, les frais relatifs à ces nominations doivent être inclus dans les frais d’arbitrage.
(c) A l’issue de la procédure, la Formation détermine le montant final des frais d’arbitrage, qui incluent:
– les frais administratifs du TAS, calculés selon le barème du TAS,
– les frais et honoraires des arbitres,
– les frais de témoins, experts et interprètes encourus par les parties.
(d) Le décompte final des frais d’arbitrage peut soit figurer dans la sentence, soit être communiqué aux parties séparément.
(e) Dans la sentence arbitrale, la Formation détermine quelle partie supporte les frais de l’arbitrage ou dans quelle proportion les parties en partagent la charge. Toutefois, les procédures concernant des appels contre des décisions rendues par l’UEFA dans le cadre d’affaires disciplinaires sont gratuites. Dans ce cas, les frais et honoraires des arbitres, calculés selon le barème du TAS, de même que les frais du TAS sont pris en charge par le TAS.
(f) En principe, la Formation peut librement ordonner à la partie qui succombe de verser une contribution aux frais d’avocat de l’autre partie, ainsi qu’aux frais encourus par cette dernière pour les besoins de la procédure, notamment les frais de témoins et d’interprète.
Lors de la condamnation aux frais d’arbitrage et d’avocat, la Formation tient compte de la complexité et du résultat de la procédure, ainsi que du comportement et des ressources des parties.
Article 24 Dispositions diverses
Le texte anglais et le texte français font foi. En cas de divergence, le texte anglais prévaut.
Le présent règlement a été adopté par le CIAS à Lausanne, le 18 avril 2016, sur la base des articles 61 et 62 des Statuts de l’UEFA et des articles S6, paragraphes 1, 8 et 10, S8 et S23 du Code de l’arbitrage en matière de sport. Il fait partie intégrante du Code de l’arbitrage en matière de sport. Le présent règlement peut être modifié par le CIAS conformément à l’article S8 du Code de l’arbitrage en matière de sport.
Ahmed Ouerfelli
Avocat – arbitre