Le Code de Commerce a été promulgué à la même date que le Code de Procédure Civile et Commerciale (CPCC). Alors que le CPCC parlait de procédures de poursuite et de recouvrement individuelles, la Code de Commerce a consacré un chapitre aux procédures collectives, sans employer ce terme. Il parlait plut du « concordat préventif et de la faillite ».
La loi n° 95-34 du 17 avril 1995 a introduit deux nouvelles techniques de traitement des difficultés économiques des entreprises : le règlement amiable et le règlement judiciaire, avec mise en place d’un mécanisme d’alerte dit « notification des signes précurseurs des difficultés économiques ». A la même date, la Code du Commerce a été amendé : toutes les dispositions relatives au concordat préventif ont été abrogées. Depuis, un « creux » a été constaté au niveau du Code, alors qu’une petite loi satellitaire d’une cinquantaine d’articles a commencé à graviter autour du Code historique, pour finalement reléguer le système de la faillite au second plan. Dans l’esprit des praticiens, passer à la faillite est déjà annonciateur de la fin, alors que l’article 507 et suivants prévoient un mécanisme principal de repêchage dit « le concordat simple ». Il n’est pas si simple que ça, faut-il le dire, car dans la réalité, il n’a été mis en application que très rarement.
En 1999, la loi n° 95-34 a été amendée, mais tout en gardant son esprit : face au règlement amiable, où le débiteur et les créanciers sont les acteurs principaux, il y a un régime de règlement judiciaire, où le juge prend les choses en main. Certaines juridictions ont même compris que cela signifie qu’ils sont habilités à réduire les dettes, principal ou accessoires, notamment les intérêts.
En 2001, le CEJJ a été chargé de la mission de revoir tant les procédures de recouvrement individuelles (CPCC) que le droit du redressement des entreprises en difficulté économique. La réforme du CPCC a eu lieu en aout 2002, et une année par la suite, ce fut la réforme de la loi n° 95-34, avec deux méthodologies différentes. En étant témoin, je dois avouer, pour l’histoire, que l’approche vraiment participative n’a été mise en œuvre que pour la seconde (loi du 29 décembre 2003).
A la fin de cette mission, il a été remarqué que la réforme de la loi n° 95-34 était insuffisante, et qu’il fallait réformer complètement le droit des procédures collectives. La réponse officielle était la suivante : terminons la réforme de la loi relative au redressement, puis revoyons le tout.
Sans surprise, dès la fin de l’année 2003, l’on a commencé à préparer la vaste réforme du droit des procédures collectives, avec comme consigne principale : arrêtons d’éparpiller nos lois et évitons les lois satellitaires. L’idée était aussi de rapatrier le Code de DIP et le Code de l’Arbitrage dans le CPCC.
Le travail a été entamé avant même la promulgation de la loi n° 2003-79 du 29 décembre 2003, réformant la loi n° 95-34. Vers 2008, une commission a été constituée par le Directeur Général du CEJJ, M. Zouhair Skander. Elle a mené des discussions assez détaillées et profondes sur tous les détails du projet préliminaire, et a abouti à un certain nombre de changements significatifs. Vers 2009-2010, plusieurs réunions ont été tenues au niveau du Ministère de la Justice, puis au niveau du CIM. La vision ne fut pas assez claire, et le contexte de la crise financière mondiale n’aidait pas à faire des choix finaux. Le Premier Ministre de l’époque, M. Mhamed Ghannouchi a proposé de modifier l’intitulé du projet pour devenir : « Projet de loi relative au renforcement des relations entre l’entreprise et ses créanciers » مشروع قانون يتعلق بتطوير علاقة المؤسسة بدائنيها. A l’aube du 14 janvier 2014, le choix du gouvernement était de réétudier le projet, qui circulait déjà auprès des départements de l’Etat concernés par l’économie et le social, donc la majorité des ministères.
Après le 14 janvier 2011, le projet a été soumis à des discussions sporadiques, et l’équipe en charge fut modifiée à plusieurs reprises.
La version finale, adoptée le 29 avril 2016, a gardé l’ossature du projet initial et les choix de base, notamment la responsabilisation des dirigeants des entreprises et la réduction des pouvoirs du juge et de l’administrateur judiciaire l’idée de fresh restart, idée centrale du projet initial, semble avoir été abandonnée une lecture attentive de la version initiale est requise pour pouvoir bien identifier les nuances.
Il est à remarquer que la version finale n’a pas touché d’autres lois s’intéressant à la procédure collective, notamment la loi n° 97-11 du 11 novembre 1997, relative aux liquidateurs, mandataires de justice, syndics et administrateurs judiciaires.
Nous publions le projet de 2010 pour toute fin utile.
Ahmed Ouerfelli
Avocat au barreau de Tunis