Internship offered for one (1) scandinavian or eastern european student
2018-11-07
Expertise et arbitrage : l’exemple de l’article 1258 du COC
2018-11-27

La conversion de la SARL en SUARL pour réunion de toutes les parts sociales entre les mains d’un seul associé: y a t-il un délai?

En vertu de l’article 93 du Code des Sociétés Commerciales, la SARL dont la totalité des parts est réunie entre les mains d’un seul associé se convertit en SUARL. Cependant, force est de constater que l’article 93 prévoit deux cas de conversion de la SARL :

–         le cas où elle devient automatiquement une société anonyme, et

–         celui où elle se convertit en SUARL.

Contrairement à la lecture littérale et exégétique de ce texte, il ne s’agit pas d’une conversion automatique ou de plein droit. Il ne s’agit pas non plus d’une conversion immédiate ou subite. En effet, le Code donne aux associés ou l’associé qui devient propriétaire de toutes les parts sociales le choix de laisser cette conversion avoir lieu, ou de l’éviter en prenant les mesures qui s’imposent pour y échapper. Le choix de convertir une société est un choix qui a des conséquences lourdes, et auquel les associés doivent penser profondément :

I.    Convertir une SARL en société anonyme (SA) a des conséquences importantes sur la gouvernance de la société dans la mesure où :

a) la désignation d’un commissaire aux comptes devient obligatoire quelle que soit la taille de la société, contrairement à tous les autres types de sociétés y compris la SARL ;

b) la direction de la société devient obligatoirement collégiale, lorsque les associés optent pour la formule classique (conseil d’administration) ou encore lorsqu’ils optent pour la formule nouvelle (directoire et conseil de surveillance) ;

c) le coût des organes de contrôle et de gestion devient plus élevé.

C’est pourquoi le législateur a évité la conversion automatique et subite, et a accordé un délai suffisamment long (une année) aux associés pour se décider.

II.               Convertir une SARL en SUARL a des conséquences non moins conséquentes : 

L’associé dans une SARL qui vient à acquérir la totalité du capital a le choix entre :

–         Rester seul et convertir la société en SUARL ;

–         Continuer dans la formule sociétaire (SARL). Dans ce cas, il y a plusieurs variantes :

(i)   Chercher un partenaire économique, avec le risque de revivre les mêmes problèmes qu’avec l’ancien associé, car dans plusieurs cas, l’acquisition de la totalité des parts sociales intervient suite à des mésintelligences entre associés, qui amènent l’un d’eux à quitter la barque et l’autre à racheter la totalité des parts ;

(ii) Faire intervenir un membre de la famille en tant qu’associé, ce qui a généralement des conséquences plus lourdes au niveau des relations intra-familiales et peut engendrer une nouvelle architecture des rapports entre les membres de la famille. Des individus qui ont organisé leur vie entière sur la base de la non-confusion entre les affaires familiales (gouvernées par des considérations sentimentales) et celles des affaires (gouvernées par la logique pragmatique et utilitaire). Un tel choix, s’il est fait dans la précipitation, peut engendrer la chute de la famille, puis de la société elle-même.

C’est pourquoi le choix ne peut pas être immédiat. L’associé en question doit disposer d’un délai de réflexion, et aucun texte ne prévoit ni une obligation de conversion immédiate, ni une sanction pour l’associé qui ne procède pas à une conversion immédiate, alors que dans d’autres situations, le Code prévoit la nullité de l’acte ou même de la société.

En effet, l’article 93 du Code des Sociétés Commerciales prévoit :

« Le nombre des associés d’une S.A.R.L ne peut être supérieur à cinquante. Si la société vient à comprendre plus de cinquante associés, elle devra dans un délai d’un an être transformée en société par action à moins que le nombre des associés ne soit ramené à cinquante ou moins dans le délai sus-indiqué.

A défaut, tout intéressé peut demander la dissolution judiciaire de la société.

Toutefois, le tribunal saisi de l’action en dissolution pourra accorder un délai supplémentaire afin de permettre aux associés de se conformer aux dispositions de l’alinéa premier du présent article.

Si toutes les parts sociales d’une société à responsabilité limitée se trouvent réunies entre les mains d’une seule personne, celle-ci se transforme en une société unipersonnelle à responsabilité limitée ».

Nous estimons donc que la seule interprétation raisonnable à donner à l’article 93 ci-dessus mentionné est celle qui considère que le délai d’un an prévu à l’alinéa 1er (un an) s’applique aussi au cas prévu à l’alinéa dernier.

D’ailleurs, c’est l’unique raison pour laquelle les deux hypothèses (nombre des associés qui dépasse les 50, et cas où il descend à un seul) dans un seul article. Si le régime juridique n’avait rien de commun, le législateur aurait logé ces dispositions dans deux articles séparés.

Ceci est confirmé par les dispositions de l’article 157 du même Code qui prévoit une situation inverse : celle où l’associé unique dans une SUARL vient à céder une partie de ses parts, ou lorsque l’associé unique vient à décéder et sa succession est dévolue à plusieurs héritiers. L’article 157 prévoit :

« Si le capital social a cessé d’appartenir exclusivement à l’associé unique, la société sera soumise aux dispositions des articles 90 à 147 du présent code.

Dans ce cas, les associés sont tenus de procéder à une modification des statuts et aux mesures de publicité légale dans le délai d’un mois à compter de la nouvelle répartition du capital social sous peine de nullité de la société.

Tout intéressé peut demander au tribunal de constater cette nullité. La demande sera jugée selon la procédure des référés ».

En effet, dans cet article, la nouvelle situation est déjà subie ou choisie :

–         Si l’associé unique cède une partie de ses parts sociales, il aura donc choisi de répartir le capital entre deux personnes au moins, ce qui signifie raisonnablement que la société soit volontairement convertie en SARL ;

–         Si l’associé vient à décéder, la nouvelle situation est subie. En règle générale, la succession n’arrivera à une situation finale qu’après de longs mois, souvent de longues années. C’est pourquoi il faut officialiser cette nouvelle situation dans un délai court, quitte à ce qu’elle soit modifier par la suite, si les associés viennent à se mettre d’accord sur la concentration du capital entre les mains d’une seule personne.

Dans ces deux situations, et alors même que la conversion est déjà subie et irréversible, dans la mesure où il est peu probable qu’elle soit modifiée rapidement, la loi accorde aux intéressés un délai d’un mois pour régulariser. Ceci signifie que même lorsque la conversion est selon toute vraisemblance consommée de façon définitive et irrévocable, la loi donne un délai d’un mois. A fortiori, lorsque la situation n’est pas figée (cas où la totalité des parts est réunie entre les mains d’un seul associé), l’associé en question doit disposer d’un délai plus long pour faire son choix et « régulariser » la situation selon le choix qu’il fait.

Entre-temps, la situation n’est pas considérée contraire à la loi, surtout que pour l’hypothèse prévue à l’alinéa dernier de l’article 93 du Code des Sociétés Commerciales, il n’y a pas de disposition similaire à celle de l’alinéa 2 de l’article 93 (dissolution de la société) ou à celle des articles 94 et 104.

La raison est claire : contrairement au cas de l’alinéa 1er de l’article 93, l’hypothèse de l’alinéa dernier concerne une conversion dans la même catégorie, et non pas une transformation au sens strict. Une société pluripersonnelle devient une société unipersonnelle, avec la même caractéristique, à savoir la limitation de la responsabilité de l’associé, sans même changer de régime fiscal, contrairement au droit français.

Ses règles sont plus flexibles, car les tiers ne sont pas trompés par l’information publiéeet affichée, que l’on mentionne « SARL » ou « SUARL ».

D’ailleurs, renier l’applicabilité du délai d’un an au cas de la réunion de toutes les parts entre les mains d’un seul associé revient à dire que l’associé en question dispose d’un délai illimité pour exercer son droit d’option, ce qui complique davantage la situation et accentue l’insécurité juridique. J’estime que cette interprétation ne peut pas être retenue, et que le délai d’un an s’applique forcément dans ce cas.

Ahmed Ouerfelli

Avocat au barreau de Tunis

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *