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Commentaire sur « Le débat sur la double nationalité enflamme le Sénégal »

Au Sénégal, une vaste polémique est en train d’enflammer les esprits, en attendant les prochaines échéances électorales Certains proposent que le candidat aux élections présidentielles renonce à toute deuxième nationalité cinq ans avant la candidature.

Je constate que la renonciation à la deuxième nationalité est gouvernée par les lois du pays de la nationalité en question. En général, certains pays interdisent la double nationalité et exigent qu’afin d’obtenir leur nationalité, il faut avoir avoir déjà renoncé à sa nationalité d’origine. Pour la plupart des pays, le cumul des nationalités est possible. Pour une grande majorité de pays, renoncer à sa nationalité est un acte unilatéral de volonté qui ne produit aucun effet dès lors que l’autorité compétente n’a pas statué sur cette demande. En général, la majorité des pays n’acceptent les demandes de renonciation à la nationalité que très rarement. Je note que la Tunisie, par exemple, et dans les limites de mes connaissances, n’a jamais donné suite à une demande de renonciation à sa nationalité.

Il serait peut être plus aisé d’exiger que le candidat aux élections ait simplement une seule nationalité au jour de la candidature.

De même, exiger la preuve de la renonciation à la deuxième nationalité sans exiger que la personne prouve qu’elle a déjà perdu la seconde nationalité revient à ne rien exiger!  Car, une fois le mandant de la personne en question terminé (si elle gagne aux élections, bien évidemment), l’on se rendra compte que rien n’a changé et que la personne en question est toujours binationale!

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ARTICLE

Le débat sur la double nationalité enflamme le Sénégal

Par Martin Mateso@GeopolisFTV | Publié le 31/08/2016 à 14H36, mis à jour le 31/08/2016 à 15H40

Source : http://geopolis.francetvinfo.fr/le-debat-sur-la-double-nationalite-enflamme-le-senegal-116757?utm_source=Revue+de+presse+du+2+septembre+2016&utm_campaign=DMR+-+FR+-+09%2F2%2F2016&utm_medium=email

 

L’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade au cours d’une conférence de presse à son domicile de Dakar, le 28 février 2000. Pour lui, rien de prouve que son successeur actuel n’a pas la nationalité américaine.© Photo AFP/Seyllou Diallo

Le président sénégalais Macky Sall a du faire une mise au point. Il a pris ses distances avec une proposition qui a suscité la polémique sur la double nationalité. Des responsables de son parti suggèrent que tout candidat à l’élection présidentielle renonce à ses nationalités d’adoption cinq ans avant le scrutin.

C’est un membre de l’Alliance pour la République (parti au pouvoir) qui a lancé le débat à moins de trois ans de l’élection présidentielle prévue en 2019. «Tout candidat à la présidentielle doit renoncer à sa ou ses nationalités, cinq ans au moins avant le jour du scrutin», a proposé Benoit Sambou, le chargé des élections au sein du parti présidentiel.
L’intéressé suggérait que cette nouvelle disposition figure dans la Constitution sénégalaise. La polémique a aussitôt commencé.

Dans une lettre ouverte adressée aux Sénégalais, l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, a dénoncé «une erreur grotesque» qui n’obéit qu’à des calculs politiciens. «Je ne crois pas que le port d’une autre nationalité rende un Sénégalais moins patriote qu’un autre. Je ne crois pas qu’il le rende moins apte à servir son pays», écrit l’opposant sénégalais. Pour lui, cette proposition émanant du pouvoir est destinée à éliminer des adversaires gênants.

Binationaux, «citoyens de second rang»
«Comment expliquer à nos compatriotes nés à Marseille et qui ont la nationalité française qu’ils sont, au Sénégal, des citoyens de second rang? Comment dire à nos compatriotes nés de parents sénégalais et étrangers qu’ils sont quand même des citoyens n’ayant pas les mêmes droits que les autres?», interroge Idrissa Seck.

Parmi les binationaux dont il est question figure un certain Karim Wade, de mère française et de père sénégalais. Un député de la majorité, Abdou Mbow, exclut que ce fils de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade puisse se porter candidat à une élection présidentielle.

«Comment justifier que l’on singularise un candidat plutôt qu’un autre et qu’on lui demande de prouver qu’il n’a aucune autre nationalité que sénégalaise alors que Macky Sall (le président du Sénégal) lui-même ne peut pas prouver qu’il n’est pas américain alors que la plupart des Sénégalais sont convaincus qu’il a acquis la nationalité américaine», écrit l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade dans une note destinée aux observateurs de la scène politique sénégalaise.

En 2012, l’opposition et la société civile sénégalaise s’était mobilisée contre la candidature du président Abdoulaye Wade pour un troisième mandat. Le débat sur la double nationalité a suscité de nombreuses réactions au sein de la société.

Karim Wade dans le viseur
L’opposition sénégalaise crie au scandale et dénonce une tentative visant à écarter Karim Wade, le candidat du parti démocratique sénégalais.

«Le régime de Macky Sall vient de franchir une ligne rouge en agitant un débat qui a déstabilisé tant de pays de la sous-région, notamment en Côte d’Ivoire»,martèle les détracteurs de cette initiative.

«Que deviendrait ce pays si des candidats exclus choisissaient, comme Ouattara en Côte d’Ivoire, de contester par tous les moyens leur exclusion?»,se demande le député sénégalais Seydi Gassama, Secrétaire exécutif d’Amnesty International, en référence à l’ivoirité.

Dans un article publié par le site marocain le360.ma, la sociologue et anthropologue sénégalaise Fatou Sow Sarr souligne que l’histoire du Sénégal est faite de brassages ethniques mais aussi de migrations. «De plus en plus de nos enfants seront condamnés à avoir la double nationalité ou plus», affirme Fatou Sow Sarr. Pour elle, c’est plutôt une chance et une formidable opportunité pour le développement du Sénégal dont le tiers du budget de l’Etat est assuré par les envois des migrants parmi lesquels, de nombreux binationaux.

Un avis partagé par le politologue sénégalais Babacar Justin Ndiaye dont les propos sont rapportés par le site sénégalais dakarflash.

«Je rappelle que les Sénégalais, au sortir de la colonisation, ont été d’abord des Maliens ; puisque le Soudan français et le Sénégal français ont accédé conjointement à l’indépendance dans un cadre fédéral : la Fédération du Mali. A mon avis, le débat est traumatisant pour certains de nos compatriotes qui n’ont choisi ni leurs foyers de naissance, ni leur nationalité au pluriel.» 

Si les candidats à l’élection présidentielle porteurs d’une autre nationalité devaient y renoncer 5 ans avant le dépôt de leurs candidatures, ce délai serait suffisant pour éliminer beaucoup de candidats déjà déclarés, avertit le député sénégalais Abdoulaye Makhtar Diop.

Si l’article 18 du code de la nationalité stipule que «tout Sénégalais majeur qui prend une autre nationalité perd automatiquement la nationalité sénégalaise»,les candidats ont la possibilité de renoncer à leur nationalité d’adoption à la veille de la présidentielle.

Le président Macky Sall prend ses distances
De nombreux Sénégalais s’insurgent donc contre la volonté affichée par le pouvoir de modifier les règles du jeu pour disqualifier par avance certains candidats, «en maquillant cela d’une nouvelle disposition dans le code électoral». 

Depuis Naïrobi où il vient de séjourner, le président sénégalais Macky Sall a voulu mettre fin à cette polémique qu’il a qualifiée de faux débat.

«C’est la Constitution de notre pays de 1992 qui dit que pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise. C’est de cela qu’il s’agit. Il ne faut pas dire que c’est la sénégalité», a-t-il déclaré à la télévision sénégalaise, en précisant que ce débat n’existe ni à son niveau, ni au niveau du gouvernement du Sénégal.

«Il s’agit de voir simplement comment faire en sorte que tout le monde respecte les dispositions de la Constitution», a déclaré le chef de l’Etat sénégalais.

Une façon de prendre publiquement ses distances avec ceux qui, dans son camp, ont initié cette polémique sur la double nationalité. Reste à savoir si cette mise au point réussira à calmer le jeu.

Ahmed Ouerfelli

Avocat à la cour de cassation

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